44e session du CSA, 9 octobre 2017 : – Déclaration du MSC sur les réponses politiques à apporter aux crises alimentaires et aux famines, leurs causes profondes et le rôle du CSA
Comme l’indique le rapport SOFI 2017, la situation des crises alimentaires chroniques de nombreux pays et régions s’est gravement détériorée cette année, avec quatre pays au bord de la famine. Ceci est inacceptable et exige la responsabilité collective de l’ensemble des gouvernements, organisations et personnes.
Les famines n’apparaissent pas de manière instantanée ; elles mettent des années à se développer et des actions politiques et humanitaires précoces sont extrêmement importantes pour la prévention et l’atténuation.
Nous ne pouvons pas combattre les crises alimentaires et éradiquer la faim sans traiter leurs causes profondes.
L’insécurité alimentaire dérive généralement de facteurs structurels et de politiques qui marginalisent les systèmes alimentaires locaux et les petits producteurs et petites productrices d’aliments, et renforcent la concentration croissante du pouvoir des entreprises.
Pendant un conflit, l’insécurité alimentaire est exacerbée. Selon le rapport SOFI 2017, près de 60 % des personnes souffrant de la faim dans le monde vivent dans des zones connaissant un conflit. Lors des conflits, les crises alimentaires actuelles sont en grande partie dues aux multiples violations des droits humains, souvent systémiques, commises par des acteurs étatiques et non-étatiques. Elles sont ancrées dans les agressions contre les civils et les producteurs et productrices d’aliments, la dépossession et la destruction des ressources, la perturbation systémique des activités agricoles, la restriction de la circulation des personnes, des commerçants et de l’assistance humanitaire, ainsi que les nettoyages ethniques, l’occupation et les sanctions. L’inanition est utilisée comme une arme de punition collective et, dans la plupart des cas, les auteurs jouissent d’impunité.
L’épuisement continu des ressources naturelles rend les communautés extrêmement vulnérables aux catastrophes naturelles, plus prononcées que jamais en raison du changement climatique induit par l’homme.
Pour les communautés ayant un besoin urgent d’assistance alimentaire, la réponse tardive aux systèmes d’alerte rapide, y compris l’assistance humanitaire et la pression politique et diplomatique, entraîne une aggravation de l’insécurité alimentaire, une propagation des maladies et des pertes humaines. L’architecture humanitaire s’est avérée insuffisante, car l’assistance est très souvent soumise à des impératifs d’ordre politique et loin de répondre aux besoins des populations des quatre pays souffrant de famine et des autres pays.
Le CSA a été réformé pour répondre aux crises alimentaires de 2007/2008. Il doit être en mesure de répondre de manière efficace aux crises alimentaires actuelles, et de s’attaquer à leurs causes de manière durable. Le CSA devrait assumer pleinement son rôle en tant qu’organe international le plus ouvert pour la cohérence des politiques, la coopération et la coordination au regard des questions de sécurité alimentaire et de nutrition. En particulier :
1 –Le CSA devrait devenir la plateforme mondiale centrale pour organiser des examens périodiques et ad hoc des famines et des crises alimentaires sévères, en mettant l’accent sur l’évaluation des réponses politiques et leur impact sur les causes profondes, en garantissant la cohérence des dimensions humanitaire, du développement et des droits humains. Ces examens devraient examiner les obligations individuelles, collectives et extraterritoriales en matière de droits humains, du fait que les crises et les conflits ne sont pas uniquement causés par des acteurs nationaux, mais aussi par des parties étrangères : les États et les entreprises.
Le CSA, en étroite coopération avec le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, devrait aussi appeler de ses vœux la création de Commissions d’enquête et de missions d’établissement des faits de l’ONU afin de fournir des évaluations de terrain et d’enquêter sur les violations des droits humains, notamment en lien avec le droit à l’alimentation. Les résultats de ces examens et de ces commissions devraient être communiqués au Conseil de sécurité des Nations Unies et aux autres organisations spécialisées des Nations Unies.
2– Nous appelons le CSA et ses membres à garantir la dissémination et l’utilisation immédiates du Cadre d’action pour la sécurité alimentaire lors des crises prolongées parmi la gamme complète d’utilisateurs visés. Tous les acteurs devraient faciliter la réalisation d’examens des politiques et actions actuelles, notamment en vue de préparer la Manifestation thématique mondiale qui aura lieu sur le Cadre d’action en 2020.
3- Le CSA devrait prêter une attention particulière aux voix, droits et besoins des communautés autochtones, des pastoralistes, des petits producteurs et petites productrices d’aliments, des sans-terres, des enfants, des orphelins et des personnes souffrant de handicaps, ainsi que des réfugié-e-s et des personnes déplacées internes. Les droits des femmes sont d’une importance capitale.
En période de crise alimentaire et de conflit, les femmes sont les plus touchées par l’insécurité alimentaire et les plus vulnérables à la faim en raison de la prédominance du patriarcat ; mais, dans un même temps, elles sont les premières à lutter pour se nourrir et nourrir leurs familles. Une attention soutenue doit être accordée à la protection et la concrétisation des droits humains des femmes, afin de garantir leur inclusion active et significative à la prise de décisions en lien avec la politiques et les programmes de production et de consommation d’aliments et de garantir leur accès aux terres et aux ressources naturelles, ainsi que leur contrôle sur ces dernières.
4– Le CSA devrait promouvoir la reddition de comptes des différents acteurs au moment de s’attaquer aux crises alimentaires. Il devrait soutenir le « New Way of Working » défini lors du Sommet humanitaire mondial de 2016, qui insiste pour combler le fossé entre les efforts humanitaires et de développement. Il devrait mettre en valeur les systèmes alimentaires locaux, promouvoir les approches transformatrices de l’agriculture, renforcer les organisations locales et soutenir les plans pris en main par les pays.
5– Le CSA devrait promouvoir les réponses précoces pour prévoir les crises alimentaires ; les actions précoces réduisent les coûts humanitaires, empêche la souffrance humaine et évite les pertes de développement. Le CSA pourrait appuyer une conférence sur l’action précoce en 2018 afin de mettre en évidence les preuves existantes en matière d’action précoce, et d’augmenter l’engagement des donateurs à financer les réponses précoces liées à des solutions durables à long terme.
Enfin, les membres du CSA devraient encourager les mécanismes pris en main et pilotés par les pays recherchant des solutions durables et politiques justes aux conflits. Par exemple, au Yémen, où 60% de la population souffre de la faim et où le cholera s’est propagé partout dans le pays dans une mesure sans précédent, il est vital d’imposer un cessez-le-feu immédiat et sans conditions, de lever les blocus des ports et des aéroports, et de permettre l’assistance humanitaire, afin de mettre fin aux souffrances humaines inacceptables. Les ODD ne seront jamais atteints faute de volonté politique pour mettre fin aux guerres, aux conflits et à la violence. Il n’y a pas de sécurité alimentaire sans paix équitable.