Contribution du MSC la consultation électronique pour le Rapport du HLPE sur la nutrition et les systèmes alimentaires

Ce document représente la contribution collective du Mécanisme de la société civile du CSA à la Consultation virtuelle sur la Note thématique proposée par le Comité directeur du HLPE à propos du prochain Rapport du HLPE sur la nutrition et les systèmes alimentaires. Le document est basé sur les travaux en cours du Groupe de travail du MSC sur la nutrition. 

Préambule

Le MSC se félicite du lancement du processus préparatoire du Rapport HLPE sur la nutrition et les systèmes alimentaires, étant donné que ce Rapport sera la pierre angulaire de l’engagement du CSA vis-à-vis de la thématique “Nutrition”.

Ces dernières années ont vu une déconnexion croissante entre le concept d’alimentation et celui de nutrition, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître. Même si les impératifs posés par les urgences nutritionnelles peuvent avoir contribué à créer cette situation, il n’en demeure pas moins que les politique consacrées à la nutrition, lorsqu’elles existent, sont caractérisées par une importante fragmentation, une “technicisation” excessive et, trop souvent, par une “médicalisation” écrasante. Plus récemment, le débat scientifique et le discours politique se sont déplacés vers la thématique de la malnutrition sous toutes ses formes (cette thématique étant également un point clé du cadre de la CIN2), mais une asynchronie significative persiste entre ce récit et la réalité de la plupart des programmes de nutrition, en particulier au niveau de la coopération internationale pour le développement.

Or la compréhension du défi de la malnutrition sous toutes ses formes requiert une analyse globale et multidisciplinaire, qui associe des perspectives politiques, socio-culturelles et techniques. Mais avant tout, elle requiert une pleine appréciation de la diversité et des valeurs de la dignité humaine, de l’équité, de la durabilité et de la souveraineté, tout en reconnaissant les priorités posées par l’urgence et le besoin de justice. La première étape fondamentale consiste a reconnecter fermement la nutrition et l’alimentation, étant entendu que la nourriture est l’expression des valeurs, des cultures, des relations sociales et de l’autodétermination des peuples et que le fait de se nourrir soi-même ainsi que de nourrir les autres est un acte qui incarne notre souveraineté, l’appropriation de nos vies par nous mêmes et notre autonomisation. Quand nous nourrissons un bébé au sein, quand nous nous alimentons et prenons nos repas avec nos familles, nos amis et notre communauté, nous réaffirmons nos identités culturelles, notre appropriation de nos parcours de vie et notre dignité humaine.

Le MSC attend donc du Rapport HLPE qu’il soit inspiré et orienté par cette compréhension holistique de l’alimentation et de la nutrition. Si cela est le cas, alors le Rapport contribuera grandement à inaugurer une nouvelle phase de la recherche sur la nutrition et dans l’élaboration de politiques dans ce domaine, permettant ainsi de répondre aux problèmes posés par fragmentation des approches qui prévaut à ce jour. Cela permettra également de construire un nouveau récit exhaustif et concret sur cette dimension essentielle de la vie humaine.

 

Considérations de fond:

  1. 1. Contextualisation du Rapport au sein du CSA: Le Rapport du HLPE sur la nutrition et les systèmes alimentaires a pour vocation d’être un rapport fondamental pour le travail du CSA dans le domaine de la nutrition. Il doit fournir un cadre conceptuel solide pour les travaux du CSA dans le domaine de la nutrition et proposer un langage commun auquel tous secteurs sociaux du CSA pourront se référer dans leurs travaux futurs. Cela comprend également l’harmonisation de la terminologie actuellement utilisée dans les approches de la nutrition, à ce jour surtout centrées sur l’alimentation et la santé. Simultanément, le Rapport doit être contextualisé au sein du CSA, à la fois en termes d’approche claire fondée sur les droits (avec une référence particulière, mais non exclusive au droit à une alimentation adéquate et à la nutrition, au droit à l’eau, au droit à la santé, aux droits des femmes et aux droits des travailleurs). Il doit être solidement enraciné dans les précédents résultats et recommandations politiques tant du Cadre stratégique mondial que du CSA;
  2. 2. Une compréhension holistique de la nutrition et fondée sur les droits: Le Rapport devrait commencer par une présentation globale de ce qu’est la nutrition, en se fondant sur une approche pluridisciplinaire solide, tout en reconnaissant que la fragmentation du concept de nutrition est, en grande partie, le résultat d’un cadre conceptuel lui-même fragmenté et réductionniste en ce qui concerne la connaissance de l’agriculture, de l’alimentation et de la nutrition mais aussi la conséquence de la forte influence des intérêts particuliers divers. Les êtres humains ne se nourrissent pas de fer, de calcium ou d’acides gras saturés et trans, pour n’en citer que quelques-uns: Ils ont besoin d’une alimentation variée et saine. Cependant, des considérations socio-économiques et politiques plus larges déterminent si les bébés sont nourris au sein ou au biberon et si les adultes mangent des repas qui peuvent être plus ou moins diversifiés, sains, sûrs ou appropriés d’un point de vue culturel ou nutritionnel. Le Rapport doit donc résister à la tentation de limiter son étude à un sous-ensemble artificiel de questions en rapport avec la nutrition et étant identifiées comme étant plus étroitement liées aux systèmes alimentaires. Par exemple, une analyse superficielle pourrait laisser croire que la question de l’allaitement n’a pas de rapport direct avec les systèmes alimentaires et devrait donc être traitée uniquement à la marge du Rapport. Bien au contraire, il est impossible de déconnecter d’un côté la relation entre les systèmes alimentaires et la nutrition et, de l’autre, celle de la réalisation des droits des femmes et des travailleurs ainsi que de tous les autres facteurs qui favorisent ou entravent les conditions favorables à l’allaitement maternel optimal et les pratiques de soins. Une telle approche globale de la nutrition impliquerait donc d’intégrer le cadre conceptuel et normatif du droit à une alimentation et une nutrition adéquate et de faire le lien avec le droit à la santé et tous les autres droits connexes, en particulier les droits des femmes, le droit à l’éducation, les droits de l’enfant, les droits des paysans et les droits des travailleurs. La pleine réalisation du droit à une alimentation adéquate, dans le contexte de l’indivisibilité des droits va bien au-delà de la simple recharge en matières nutritives pour reconstituer son énergie vitale. L’alimentation est un ensemble de fonctionnalités qui permettent aux êtres humains – tant les bébés que les adultes – de se protéger contre les maladies, d’être actif, d’apprendre, de se développer, de participer à la vie sociale, de créer, d’aimer, de produire et de progresser vers leur plein potentiel humain.

Dans le même temps, une telle approche holistique ne doit pas être synonyme de superficialité. Par exemple, la compréhension de la relation entre l’agriculture, l’alimentation, la nutrition et la croissance et le développement des enfants, bien que intuitive, est rendue complexe par le fait que la qualité de l’alimentation, mesurée par la  teneur en éléments nutritifs, est affectée par les variétés de cultures, la fertilité des sols, la disponibilité de l’eau, le traitement et les techniques de cuisson, mais aussi  par des déterminants économiques, sociaux et politiques plus larges. Il est donc essentiel que le cadre holistique imprègne en profondeur les questions abordées plutôt que de rester un concept général qui chapeaute le Rapport sans retombées concrètes;

  1. 3. Focalisation des politiques publiques sur la promotion de régimes alimentaires équilibrés, diversifiés, sains et durables: Le Rapport doit exposer les principaux éléments moteurs des régimes alimentaires, en tenant compte à la fois des facteurs de la demande que ceux de l’offre. Cependant, plutôt que de considérer ces éléments moteurs comme étant des dynamiques préétablies, le Rapport devrait souligner le rôle joué par les politiques publiques dans la promotion de régimes alimentaires équilibrés, diversifiés, sains et durables, visant la convergence entre les différentes dimensions politiques de la nutrition: alimentaire, santé et environnement. Les gens consomment des taux variables de produits alimentaires classés dans les 3 groupes d’aliments nouvellement définis Ceci est la conséquence de leurs habitudes alimentaires ou de leurs désirs individuels, mais ces habitudes et désirs sont fortement orientés par les politiques publiques qui influent sur ​​le pouvoir d’achat, le prix relatif, l’accessibilité et la commercialisation, avec des implications particulières et variées sur la nutrition et la santé des consommateurs. En particulier, le Rapport devra exposer le rôle des facteurs de l’offre, y compris l’impact des opérateurs commerciaux et des organisations apparentées, dans la création de la demande et la fabrication des tendances dans les changements alimentaires. Parmi ces impacts on pourra citer: la commercialisation massive de substituts au lait maternel, les produits industriels et les aliments d’origine animale; l’énorme influence publicitaire des grandes entreprises alimentaires et le statut social/attractivité ​​de certains aliments que ces publicités engendrent; les pratiques commerciales trompeuses dans l’étiquetage des aliments; la mise à disposition massive et la publicité pour des aliments malsains dans les établissements (notamment les écoles) ainsi que les relations souvent étroites entre l’agro-industrie et les gouvernements, qui se traduisent par des subventions, des conditions commerciales biaisées et non-équitables ou encore des clauses abusives qui favorisent le système alimentaire industriel des transnationales et engendrent des prix artificiellement bas pour les produits industriels. Le Rapport devra également faire entendre la voix des nouveaux mouvements de consommateurs qui revendiquent le droit de choisir une alimentation saine et abordable, d’origine locale et abordable ainsi que de recevoir des informations transparentes et d’être épargnés (en particulier les enfants) par les campagnes de commercialisation agressives promouvant les substituts du lait maternel, les aliments malsains et les boissons qui favorisent l’augmentation de l’incidence du diabète, les maladies cardio-vasculaires, certains types de cancer et d’autres maladies non transmissibles liées à l’alimentation. Il faudra également insister prioritairement sur la manière dont les systèmes alimentaires sont définis par les communautés elles-mêmes. Ainsi, les aliments traditionnels des peuples autochtones, y compris les aliments de cueillette et fruits et graines sauvages contribuent des apports nutritionnels essentiels aux régimes alimentaires de ces populations. Enfin, il faudra accorder une attention particulière à la promotion de systèmes alimentaires durables en milieu institutionnel, en particulier les écoles, notamment en raison de l’importance de la nutrition infantile et adolescente en vue de prévenir l’obésité et les maladies chroniques liées à l’alimentation, tant au cours de l’enfance que tout au long de la vie;
  2. 4. Il est essentiel que le Rapport décrive correctement la diversité des systèmes alimentaires et les interactions entre ces systèmes: Le Rapport doit décrire la manière dont les différentes formes de systèmes alimentaires engendrent des résultats nutritionnels très différents et participent à l’émergence de différents modes d’alimentation, ce qui a des conséquences profondes sur la prévalence et l’incidence des maladies non transmissibles liées à l’alimentation. Toutefois, ces différents systèmes alimentaires ne peuvent pas être considérés de manière isolée les uns des autres et leurs interconnexions et déséquilibres de pouvoir doivent être prises en compte. Dans ce contexte, le Rapport ne doit pas présenter la relation entre les différents systèmes alimentaires comme étant une cohabitation pacifique mais doit plutôt exposer le caractère homogénéisant, hégémonique et souvent prédateur du système alimentaire industriel mondial ainsi que la manière dont il affecte la viabilité des autres systèmes alimentaires;
  3. 5. Centralité du rôle des petits exploitants en tant que principaux contributeurs à la sécurité alimentaire et à la nutrition: Le Rapport doit clairement reconnaître la réalité bien trop souvent occultée ou laissée de côté que les agriculteurs familiaux, en particulier les petits agriculteurs et les producteurs d’aliments à petite échelle, nourrissent 70% de la population mondiale et sont les principaux investisseurs dans l’agriculture. Il doit également réaffirmer l’importance des marchés territoriaux ainsi que les marchés internes et informels, car ceux-ci sont la principale source de la nourriture consommée à travers le monde, en particulier dans les pays du Sud. Toute dynamique impactant ​​les droits, les ressources et les capacités des petits exploitants et qui sape les marchés territoriaux, internes et informels a des conséquences profondes sur l’évolution des systèmes alimentaires et par extension sur leurs résultats en matière de nutrition. À cet égard, le Rapport devrait souligner le fait que, au nom du récit du « grand défi » de nourrir la planète, l’intensification et la spécialisation agricole provoquent l’abandon de leurs fermes et l’exode rural de millions de paysans, d’éleveurs et des populations autochtones, la disparition des variétés et des races traditionnelles. De plus, toujours au nom de ce récit quelque peu théâtral du besoin de nourrir une population mondiale en pleine explosion démographique et du mythe d’une demande alimentaire de plus en plus urgente, on assiste à la création des conditions juridiques qui encouragent la poursuite de l’accaparement des ressources en terres et en eau au détriment des communautés légitimes. Le Rapport doit également dénoncer les déplacements des communautés souvent sous la violence et l’appropriation de leurs terres pour l’agriculture industrielle et les élevages industriels avec pour conséquence la perte des moyens de subsistance durables, ce qui a une profonde conséquence sur la nutrition pour ces communautés et la population en général. En outre, il convient de documenter la montée des oligopoles et la concentration extrême du marché des intrants ainsi que la consolidation mondiale rapide, continue et incontestée du complexe industriel. De fait, l’expansion continue du complexe agro-industriel sape les moyens d’existence des petits exploitants et leur capacité à maintenir leurs fonctions productives, territoriales, sociales et politiques. Ce système est lui-même à l’origine du problème qu’il prétend traiter.
  4. 6. Le Rapport doit prendre en compte l’impact du changement climatique et mettre en évidence les implications des habitudes alimentaires sur la durabilité de l’environnement: Bien que l’agro-biodiversité contribue de manière importante à la diversité alimentaire, les différentes conséquences du changement climatique, comme les modifications dans la longueur et la nature de la période de végétation, l’augmentation de la variabilité des conditions météorologiques locales, y compris l’incidence accrue d’événements climatiques extrêmes ainsi que d’autres changements dans les facteurs agro-climatiques peuvent avoir pour conséquence de réduire la gamme des cultures pouvant être cultivées. Les conséquences du changement climatique pour la malnutrition pourraient être potentiellement dévastatrices et des efforts importants sont nécessaires pour renforcer les mesures d’atténuation et pour promouvoir la diversification des cultures et des stratégies d’adaptation et de résilience. Bien que le Rapport se doive d’exposer ces dynamiques majeures, il doit également souligner la dimension durable des régimes alimentaires et le besoin urgent de changer de manière significative l’empreinte écologique de la production agricole. Dans ce contexte, l’agroécologie devrait être reconnue comme étant la voie la plus efficace pour parvenir à des systèmes alimentaires locaux, écologiques, résilients, favorisant l’agro-biodiversité, qui font la promotion et soutiennent des régimes alimentaires diversifiés, sains et durables;
  5. 7. Placer la relation entre systèmes alimentaires et nutrition dans le contexte plus large des déterminants sociaux, économiques et politiques de la malnutrition sous toutes ses formes: le caractère central des droits humains ainsi que la nécessité d’une vision holistique de la nutrition requièrent que les politiques du CSA soit articulées autour d’un principe central qui consiste à vouloir d’agir sur les déterminants structurels responsables de la malnutrition sous toutes ses formes, plutôt que de considérer la nutrition comme étant un simple besoin devant être satisfait (bien évidemment sans ignorer ou sous-estimer la nécessité de tenir compte de la nutrition et l’alimentation en situation d’urgence). L’accent mis sur les systèmes alimentaires ne doit donc pas occulter le fait que les causes profondes et les facteurs conduisant à la malnutrition sous toutes ses formes sont nombreuses, complexes et multidimensionnelles et ne peuvent pas être séparées de leur contexte social, politique et économique plus large. Il est donc nécessaire que le Rapport adopte un cadre conceptuel qui soit suffisamment large pour explorer la manière dont ces déterminants influent sur la santé et le bien-être plutôt que sur un cadre conceptuel basé sur l’individu, qui se concentre uniquement sur l’éducation et / ou sur des solutions techniques et technologiques visant à changer les méthodes de production et les comportements de consommation;
  6. 8. La pleine réalisation des droits humains des femmes: Les violations généralisées des droits des femmes et des jeunes filles, l’absence de contrôle des femmes sur les ressources économiques, le peu d’attention portée à la question de la nutrition chez les adolescentes ou encore aux questions de santé reproductive sont parmi les facteurs déterminants les plus répandus et qui engendrent la malnutrition sous toutes ses formes. Bien que des progrès aient été réalisés, aujourd’hui encore la plupart des femmes dans le monde doivent affronter une discrimination structurelle et une violence qui s’exprime à tous les niveaux de leur, que ce soit au niveau de la société, au niveau de leur communauté et même dans leur foyer. Non seulement ceci a des répercussions négatives sur la pleine jouissance de leur potentiel humain, mais cela contribue également à rendre les femmes et leurs droits invisibles dans les politiques de sécurité alimentaire et de nutrition. Cela aboutit également à des programmes qui ont tendance à surcharger encore plus les femmes en leur imposant des responsabilités supplémentaires. Enfin, cela favorise la reproduction intergénérationnelle de la malnutrition. La pleine réalisation des droits fondamentaux des femmes, à égalité avec les hommes, est donc un facteur essentiel de la réalisation du droit à une alimentation adéquate et du droit à la santé. En conséquence cela doit être un axe central du Rapport. La prévention des féminicides et de la violence contre les femmes, le plein accès à l’éducation (ne se limitant pas au simple accès à l’inscription mais également à des mesures visant à garantir un aboutissement qualifiant de la formation), un salaire égal pour un travail égal, la fourniture de prestations sociales et de congés payés pour la maternité, la reconnaissance sociale du travail non rémunéré grâce à des mécanismes de soutien social et communautaire, la répartition équitable des tâches ménagères entre les genres, la lutte contre les mariages d’enfants ou précoces ainsi que les mariages forcés ou encore la protection des femmes et des jeunes filles contre toutes les formes de violence… tous ces aspects sont des éléments essentiels d’une stratégie efficace pour lutter contre la malnutrition sous toutes ses formes. Tout aussi important, l’allaitement maternel doit être protégé, encouragé et soutenu, comme étant la meilleure alternative pour l’alimentation des bébés et les femmes doivent pouvoir compter sur tout le soutien légal, public, communautaire et familial nécessaire. Toutes ces dimensions sont étroitement liées avec les systèmes alimentaires et la nutrition et doivent être pris en compte dans le Rapport.

En conclusion, le MSC est confiant que le Rapport HLPE contribuera à passer d’une approches centrée sur les produits alimentaires à une approche centrée sur des systèmes alimentaires qui favorisent une alimentation diversifiée, équilibrée et durable et saine. La conséquence finale de tous les points mentionnés ci-dessus est le caractère central de l’allaitement maternel et des régimes diversifiés, équilibrés, sains et durables en opposition à des produits alimentaires industriels et à d’autres solutions qui se focalisent sur les produits pour répondre à des carences ou des formes de malnutrition spécifiques. Ces régimes alimentaires doivent être protégés, encouragés et soutenus par des systèmes alimentaires durables, locaux et régionaux, fermement centrés sur les producteurs d’aliments durables à petite échelle, protégées contre la concurrence déloyale et un marketing agressif et respectant les principes de souveraineté agroécologiques et alimentaires. Il est également essentiel de reconnaître la valeur des systèmes alimentaires autochtones et le rôle essentiel que jouent les aliments d’origine locale et de cueillette, par ex. les fruits, graines et plantes sauvages et, plus largement, de reconnaître l’importance de la prise en compte de la manière dont les communautés et les individus définissent leurs produits alimentaires.

Cette approche établit un lien inextricable entre l’alimentation saine et la biodiversité agricole, qui est une fonction directe de la diversité génétique maintenue par les petits agriculteurs, les pêcheurs à petite échelle, les peuples autochtones et les producteurs d’aliments à petite échelle, par le biais de la diversité de leurs systèmes de savoirs existants. Ces systèmes alimentaires et de savoirs doivent être protégés, encouragés et soutenus par les politiques de santé, les politiques agricoles ainsi que par d’autres politiques, plutôt qu’être sapés par la recherche nutritionnelle et par des approches qui ne les prennent pas en compte.

En conséquence, l’agroécologie et la souveraineté alimentaire proposent une vision alternative des systèmes alimentaires qui offre une approche concrète et viable vers des régimes alimentaires diversifiés, équilibrés, durables et sains.

 

Considérations méthodologiques

  1. 1. Il est important de souligner que ce Rapport doit s’appuyer sur un savoir basé sur l’expérience du terrain plutôt que de se limiter au savoir scientifique et technique et intégrer cette expérience de terrain dans le rapport. Afin de parvenir à une compréhension holistique des systèmes alimentaires et de la nutrition, tous les types de savoirs doivent être mis à contribution et non seulement la recherche quantitative ou encore le “Big Data”, mais aussi les connaissances ethnographiques et les témoignages individuels. La distillation du savoir dans le Rapport doit être un processus inclusif dans lequel tous les acteurs, et tout particulièrement les détenteurs de droits, devront avoir la possibilité d’apporter leur propre savoir et expériences. Cela pourrait entraîner des défis méthodologiques, mais permettra d’aboutir à des conclusions de meilleure qualité, étant donné que ces conclusions reflèteront les réalités vécues par les populations, les communautés locales ainsi que leurs luttes sur le terrain;
  2. 2. Les membres de l’équipe de HLPE doivent être réceptifs au fait que la recherche universitaire, en particulier dans les domaines de la nutrition et des sciences agricoles, est souvent biaisée ou influencée par des intérêts économiques et les financements versés par l’agro-industrie. Le HLPE doit donc faire un effort explicite afin de garantir que les résultats de la recherche auxquels fera référence le Rapport sont libres de tout conflit d’intérêts, étant donné qu’il a été démontré que le financement de la science par l’industrie peut influencer de manière significative les résultats obtenus. Ainsi, une méta-analyse a révélé que les études menées en dehors de tout conflit d’intérêts étaient cinq fois plus susceptibles de démontrer un lien entre les boissons sucrées et le gain de poids et/ou l’obésité que les mêmes études financées par l’industrie alimentaire;
  3. 3. Dans le même esprit, il est essentiel que l’équipe de projet HLPE soit sélectionnée dans le respect des plus hautes normes d’intégrité et d’indépendance vis-à-vis de tout intérêt particulier. La mise en place de solides garanties contre les conflits d’intérêts est essentielle pour assurer l’indépendance, la légitimité, la fiabilité et la crédibilité des produits du HLPE.

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  1. Trois groupes principaux sont définis: les aliments non transformés ou peu transformés (groupe 1), les ingrédients transformés ou composants de l’industrie culinaire et alimentaire (groupe 2) et les produits alimentaires ultra-transformés (groupe 3).
  2. MONTEIRO, Carlos Augusto et al. A new classification of foods based on the extent and purpose of their processing. Cad. Saúde Pública [en-ligne]. 2010, vol.26, n.11 [cité 2016-01-05], pp. 2039-2049. Disponible ici: http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0102- 311X2010001100005&lng=en&nrm=iso ISSN 0102-311X. http://dx.doi.org/10.1590/S0102- 311X2010001100005
  3.  Ces liens étroits se traduisent souvent par des politiques qui accélèrent l’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage, y compris à travers des subventions, des incitations fiscales, l’absence ou le peu de portée des régimes réglementaires et des accords commerciaux, l’absence de marchés publics ou de commande publique ainsi que peu ou pas de mécanismes pour calculer le montant réel des énormes externalités de la production industrielle, ou pour recouvrer ces coûts.
  4. Il reste entendu que les solutions basées sur les produits restent importantes dans les situations d’urgence alimentaires et la fourniture d’aide d’urgence aux sinistrés, à condition que celles-ci ne deviennent pas des occasions pour faire du dumping agricole et déverser des quantités massives de produits qui faussent les systèmes locaux, la production locale et les réponses. Cela est particulièrement vrai du fait que le concept de “situation d’urgence” est souvent mal défini.
  5. BESRASTROLLO, Maira et al. Financial Conflicts of Interest and Reporting Bias Regarding the Association between Sugar-Sweetened Beverages and Weight Gain: A Systematic Review of Systematic Reviews. PLoS Medicine [en-ligne]. 31 décembre 2013. Disponible ici: http://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001578 DOI: 10.1371/journal.pmed.1001578

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