- La sécurité alimentaire continuera à être menacée, que ce soit l’année prochaine, dans 3 ou 5 ans, si nous ne rendons pas les systèmes alimentaires plus résistants aux chocs.
- Nous ne sommes pas actuellement confrontés à une crise de la production alimentaire, et les réponses promues jusqu’à présent abordent presque exclusivement la question depuis une perspective de marché et de production.
Rome, Italie. 18 juillet 2022. « Les causes de la crise alimentaire mondiale actuelle sont structurelles et vont au-delà de la guerre en Ukraine ». C’est l’un des principaux points entendus aujourd’hui lors d’un événement public coorganisé par le mécanisme de la société civile et des peuples autochtones (MSCPA) et IPES-Food. Un important panel d’experts, de responsables gouvernementaux et de représentants de la société civile a exhorté les dirigeants politiques du monde entier à intensifier leurs efforts pour lutter contre la faim et la malnutrition, affirmant que les réponses promues à ce jour par les gouvernements, les agences internationales et les institutions financières, comme par ex la récente déclaration des Agences basées à Rome, des institutions financières internationales et de l’OMC. sont insuffisantes, car elles abordent presque exclusivement la crise sous l’angle du marché et de la production.
Intitulé « Au-delà de la guerre en Ukraine : la nouvelle complexité de la crise alimentaire mondiale considérée depuis l’angle des droits humains », l’événement avait pour but de servir d’avertissement aux participants d’une conférence de haut-niveau qui se réunissait quelques heures plus tard au siège des Nations Unies à New York.
La crise alimentaire mondiale actuelle n’est pas une crise de production, puisque le monde produit suffisamment de nourriture pour nourrir tout le monde, mais une crise d’accès, une crise de la dette et une crise des prix alimentaires.
Comme l’a expliqué Molly Anderson d’IPES-Food lors de l’événement public : « Le monde a plongé dans sa troisième crise des prix alimentaires en 15 ans, en grande partie parce que les causes des précédentes crises des prix et de l’approvisionnement n’ont jamais été traitées. Il s’agit notamment de la financiarisation et de la spéculation, du détournement des denrées alimentaires pour en faire des biocarburants et de l’alimentation animale, de la dépendance excessive à l’égard des importations alimentaires et du manque d’assistance sociale et de soutien aux petits agriculteurs. Pour sortir de ce cycle de crises, nous devons construire des systèmes alimentaires résilients et diversifiés qui respectent les droits de l’homme, la souveraineté alimentaire et la réduction de la dette des pays qui sont actuellement fortement dépendants des importations alimentaires. »
Même si la guerre en Ukraine prenait fin demain, la crise des prix alimentaires se poursuivrait, Selon le rapport spécial d’IPES-Food : « Another perfect storm? ». Cette crise, comme celles qui l’ont précédée, a mis à nu les failles fondamentales des systèmes alimentaires mondiaux :
- Dépendance à l’égard des importations alimentaires : La diversité alimentaire mondiale est en déclin depuis des décennies (concentrée sur le blé, le riz et le maïs) ; les cultures de rente ont été favorisées au détriment d’une alimentation plus diversifiée ; certains pays dépendent désormais à 100 % des importations d’aliments de base tout en étant très endettés.
- Des systèmes de production figés : La surspécialisation géographique, les préférences des négociants et des gouvernements pour les cultures de produits de base et les biocarburants, ainsi que la dépendance à l’égard des engrais de synthèse sont autant de facteurs qui freinent la capacité des agriculteurs à diversifier la production alimentaire et à modifier les pratiques de production.
- Défaillance du marché et spéculation excessive : Les stocks mondiaux de blé sont actuellement élevés par rapport aux tendances historiques ; ce qui exacerbe les pics de prix et la volatilité, c’est le manque de transparence sur les stocks, et ce qui semble être une spéculation excessive sur les matières premières.
- Les cycles vicieux des conflits, du changement climatique, de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire – qui laissent des centaines de millions de personnes sans capacité d’adaptation aux chocs soudains.
Patti Naylor, du Comité de coordination du MSCPA et membre du mouvement mondial La Via Campesina, a parlé des déséquilibres historiques de pouvoir qui se cachent derrière la crise alimentaire actuelle : « La situation actuelle montre clairement la fragilité et les énormes inégalités de ce système alimentaire mondialisé qui résulte de décennies de politiques commerciales néolibérales. Les conséquences sont tragiques pour les personnes et pour la nature. L’agriculture commerciale à grande échelle de cultures d’exportation prive les producteurs traditionnels et territoriaux de terres et d’autres ressources, laissant des communautés et des pays entiers dépendants de la nourriture provenant d’ailleurs. La dépendance alimentaire engendre vulnérabilité et impuissance. Nous exigeons une transformation complète de notre système alimentaire en un système basé sur la souveraineté alimentaire et les droits humains. »
Lors de cet événement, les représentants de la société civile et des peuples autochtones du monde entier ont exhorté les gouvernements à élaborer des réponses politiques à la crise qui répondent aux besoins immédiats et corrigent les défauts structurels des systèmes alimentaires. Ils ont notamment demandé les points suivants :
Rendre les systèmes alimentaires résistants aux chocs et résilients
Les pays à faible revenu ont besoin d’une aide financière et d’un allégement global de leur dette
Les pays riches doivent atténuer la flambée des prix alimentaires mondiaux en luttant contre la spéculation.
La solution ne consiste pas à intensifier la production industrielle à grande échelle. La promotion du modèle de production et de distribution actuel (par exemple, le maintien de la dépendance aux engrais synthétiques et au commerce mondial) ne fera rien pour remédier aux défauts structurels des systèmes alimentaires.
Médi Moungui, représentant permanent adjoint du Cameroun auprès des Nations unies à Rome, est intervenu en présentant des données démontrant les graves impacts de la crise alimentaire mondiale : « Les prix record des denrées alimentaires ont déclenché une crise mondiale qui va plonger des millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté, aggravant la faim et la malnutrition, tout en menaçant d’effacer les progrès durement acquis en matière de développement. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les retombées économiques continues de la pandémie de COVID-19 annulent des années d’avancées en matière de développement et poussent les prix des denrées alimentaires à des sommets historiques. La hausse des prix alimentaires a un impact plus important sur les populations du monde entier. »
Victor Suárez Carrera, Vice-ministre de l’autosuffisance au Ministère de l’agriculture et du développement rural du Mexique, a souligné l’importance de « reconnaître que le modèle néolibéral de révolution verte et de dépendance alimentaire est un facteur d’insécurité alimentaire. Par conséquent, il faut instituer une politique de souveraineté alimentaire fondée sur la transition agroécologique, les droits de l’homme et le développement productif des petits agriculteurs et des pêcheurs. »
Evénement public « Au-delà de la guerre en Ukraine : la nouvelle complexité de la crise alimentaire mondiale considérée depuis l’angle des droits humains », co-organisé par le MSCPA* et IPES-Food.