Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) des Nations unies a organisé le 22 novembre 2022 un événement public d’une demi-journée concernant la réduction des inégalités en matière de sécurité alimentaire et de nutrition. Convoqué en modalité hybride, l’événement était ouvert à toutes les parties intéressées du CSA et aux institutions concernées, y compris les membres, les organes des Nations unies, les organisations de la société civile et du secteur privé, les institutions financières internationales et les institutions de recherche agricole.

Saima Zia, la secrétaire du Comité Kissan Rabita (Pakistan), membre de La Via Campesina et membre du CC du MSCPA, a facilité la participation des petit.e.s exploitant.e.s et des personnes qui pratiquent l’agriculture familiale et a présenté une déclaration collective rédigée avec les contributions du groupe de travail sur les inégalités du MSCPA.

Bonjour. Je m’appelle Saima Zia. Je suis une représentante du Comité « Kissan Rabita » du Pakistan et du mouvement paysan international La Via Campesina.   

Le MSCPA tient à remercier la Présidence et le Secrétariat du CSA pour avoir organisé cet événement sur la réduction des inégalités. Le CSA doit continuer à écouter la voix des personnes les plus touchées par l’insécurité alimentaire et la malnutrition.

Cependant, il ne suffit pas que les États membres entendent simplement ce que nous avons à dire. Une action politique multilatérale et concrète est nécessaire de toute urgence en réponse à nos propositions et demandes.      

Le Groupe d’experts de haut niveau a clairement fait comprendre au CSA que le statu quo n’est plus une option (lien en anglais). La réalisation du droit à l’alimentation exige des changements politiques cruciaux et une transformation radicale des systèmes alimentaires axés principalement sur l’équité et la durabilité. 

Aujourd’hui, nous voulons souligner pourquoi il est fondamental de prendre en compte l’intersectionnalité lors de l’élaboration d’approches politiques et de la recherche de points d’entrée pour réduire et éliminer les inégalités.

Les inégalités au sein et au-delà du système alimentaire sont partie intégrante de la domination coloniale du capitalisme. La concentration croissante des entreprises, l’augmentation de la dette, l’évasion fiscale, les mesures d’austérité et la dépendance aux importations alimentaires témoignent de ce système colonial et de sa succession de crises. Avec les conséquences persistantes de la pandémie de COVID et de la guerre en Ukraine, les pays n’ont que peu voire pas de marge de manœuvre pour faire face à l’augmentation des prix des denrées alimentaires et des carburants, la volatilité des marchés des matières premières ou encore la spéculation financière. 

Les impacts dévastateurs de la pandémie de COVID-19, les conséquences destructrices du changement climatique sur les communautés les plus vulnérables de mon pays et du monde entier, sont étroitement liés aux injustices économiques, sociales et environnementales provoquées par les politiques néolibérales et un système alimentaire basé sur une production agricole intensive et orientée vers l’exportation, des chaînes d’approvisionnement mondiales et un approvisionnement alimentaire dirigé par le marché. 

Pendant la crise de la COVID-19, les réponses apportées par les communautés ont favorisé les valeurs de solidarité, de résilience, de durabilité et de dignité humaine. Cependant, les politiques gouvernementales et les mesures de soutien financier ont surtout favorisé les entreprises, les grands producteurs et les chaînes d’approvisionnement mondiales, en leur assurant le capital et la main-d’œuvre dont ils avaient besoin pour poursuivre leurs activités. Ces aides se sont faites au détriment des systèmes alimentaires locaux, créant des difficultés et aggravant l’insécurité alimentaire.

L’intersectionnalité nous oblige à adopter une approche particulière et à considérer les différentes manières dont le système alimentaire actuel désavantage, appauvrit et marginalise systématiquement les femmes et les personnes non hétéronormatives, les jeunes, les peuples autochtones, les personnes handicapées, les travailleurs âgés, les migrants, les réfugiés, les personnes racialisées, les personnes qui vivent et travaillent dans les zones rurales et d’autres groupes de ce type.

Nous tenons également à souligner que de nombreuses mesures et politiques existent déjà pour réduire les inégalités. Les DVGT (Directives volontaires sur la gouvernance responsable des régimes fonciers), la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) et la Déclaration nationale des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP) sont des exemples de politiques inclusives, intersectionnelles et fondées sur les droits humains, ainsi que sur des demandes concrètes émanant du mouvement paysan, des travailleurs agricoles, des pêcheurs et des pasteurs. 

Mais jusqu’à récemment, ils n’ont pas été réunis de manière intersectionnelle au niveau des décisions politiques mondiales. Le chantier sur les inégalités nous offre la possibilité de créer une cohérence entre tous les instruments politiques du CSA, en recherchant notamment des complémentarités avec les Axes de travail sur le Genre et la Jeunesse. 

D’autres agences de l’ONU ont également fourni un travail précieux sur la réduction des inégalités. Le rapport phare de l’Institut de recherche des Nations unies pour le développement (UNRISD) sur la réduction des inégalités, publié début novembre, souligne que la crise actuelle n’est pas une faille du système, mais une caractéristique de celui-ci. Nous ne pouvons pas nous contenter de verdir le système avec des politiques ad hoc, nous avons besoin d’un changement systémique à grande échelle avec un changement de paradigme. 

Le MSCPA préconise vivement des politiques de protection sociale universelle pour soutenir les familles et les communautés qui font face à la hausse des prix et qui s’attaquent réellement aux inégalités. Les économies sociales et solidaires peuvent s’attaquer à bon nombre des symptômes et des causes profondes de notre système alimentaire défaillant. 

Nous ne parlons pas de mesures utopiques ou irréalisables, il existe déjà des exemples de cadres politiques fondés sur les droits humains, l’équité et la justice sociale, qui ont simplement besoin d’être élargis, soutenus et mis en œuvre globalement. 

Prenez le cas de la « Bolsa Familia » introduite au Brésil en 2007, un revenu de base pour la sécurité alimentaire. Il est fondé sur le lien entre la production alimentaire locale agroécologique et biologique à petite échelle pour les repas scolaires et un ministère fort pour l’économie solidaire ainsi qu’un ministère pour les petits exploitants agricoles. Il a prouvé sa capacité à garantir une approche intersectionnelle du droit à l’alimentation, incluant à la fois les producteurs et les consommateurs autochtones. 

Plusieurs groupes d’OSC en Europe et au-delà réclament aujourd’hui des mesures similaires de protection sociale alimentaire. Cela tombe sous le sens, si les paysans et les travailleurs ruraux reçoivent une rémunération décente et gagnent un salaire de subsistance acceptable, ils peuvent alors se permettre d’acheter des aliments sains, de payer leurs factures d’énergie, d’accéder à leur lieu de travail, d’être moins contraints de quitter les zones rurales et de faire partie des populations précaires dans les villes. 

Outre les mesures d’économie sociale et solidaire, nous devons redistribuer le pouvoir. Ce qui signifie mettre un terme aux politiques et pratiques néfastes.  Nous sommes confrontés aujourd’hui à la troisième crise des prix alimentaires en 15 ans. Elle montre à quel point les marchés alimentaires mondiaux sont fragiles et combien les prix sont largement déterminés par une demande non durable, par la dépendance et la concentration du pouvoir dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. 

Conclusion 

La lutte contre les inégalités exige de prendre des décisions politiques et éthiques, aujourd’hui et à l’avenir, et nous espérons vivement que le rapport du HLPE, en lui-même et par le biais du processus ultérieur de convergence des politiques du CSA, pourra contribuer de manière significative à surmonter les inégalités actuelles en vue de parvenir à la justice alimentaire et des systèmes alimentaires sains et durables.

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