Ces recommandations politiques furent approuvées par les États membres lors de la 48e séance plénière du CSA en juin 2021.

Nous, les différents secteurs[1] du Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones (MSC), réaffirmant notre engagement envers les principes et le mandat du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), avons activement participé tout au long du processus du CSA visant à élaborer les Recommandations politiques sur les approches agroécologiques et autres approches innovantes (Document approuvé ou Recommandations), adoptées par les États membres lors de la 48e session, le 4 juin 2021.

Pour les organisations du MSC, l’agroécologie est au cœur de notre travail quotidien, de nos vies et de notre vision d’un système alimentaire équitable, durable et centré sur la réalisation des Droits humains. C’est pourquoi nous avions de grands espoirs de parvenir à négocier des Recommandations qui contribueraient à la réalisation du Droit à l’alimentation pour tous et à la transformation des systèmes alimentaires, une urgence de plus en plus pressante si nous voulons pouvoir faire face aux crises sociales, économiques, environnementales, sanitaires et de la faim qui ont étés encore aggravées par la pandémie de COVID-19.

Nous saluons le changement d’état d’esprit ambiant dans ce processus en ce qui concerne la négociation des Directives volontaires sur les systèmes alimentaires et la nutrition; ainsi que l’engagement, le dévouement, la patience et la gestion avisée du rapporteur, S.E. l’ambassadeur Dr Yaya Adisa Olaitan Olaniran, pour garantir une négociation plus inclusive et participative ainsi que ses efforts pour dégager le temps supplémentaire que nécessaire à l’élaboration d’un consensus toujours désiré bien que si difficile à obtenir. Nous remercions également l’Équipe technique pour ses conseils et son soutien continus, ainsi que le rôle joué par plusieurs États membres à certains moments critiques pour faciliter le consensus sur l’importance de la transition agroécologique.

Cependant, nous notons que la pression temporelle auto-imposée à cause de l’obligation de se conformer au calendrier du pré-sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires a sévèrement limité la capacité à permettre un débat beaucoup plus détaillé et sérieux sur de nombreux aspects des Recommandations. Si l’engagement en faveur de la recherche d’un consensus fait partie de la négociation, cet engagement a trop souvent été sapé par des contraintes de temps plutôt que par un processus approprié de recherche de consensus. Nous nous sommes retrouvés avec des sessions dans lesquelles il n’y avait pas d’interprétation, ce qui a constitué un obstacle structurel important rendant difficile la participation de nombreux délégués du MSC ainsi que des États membres.

Dans le même temps, la modalité virtuelle dans les processus de ce type représente un défi souvent insurmontable pour les représentants des mouvements sociaux ainsi que pour les délégués gouvernementaux, en particulier ceux des petits pays du Sud, en raison des problèmes de connectivité, des décalages horaires et des graves difficultés à suivre les changements de texte sur un écran affiché uniquement en anglais. La disparité des ressources entre les pays les plus riches et ceux dont les délégations sont petites ou composées d’une seule personne a conduit à des résultats inéquitables, comme on a pu le constater lorsque des délégués n’ont pas pu participer aux sessions du CSA en raison d’exigences et de responsabilités concurrentes, telles que la participation à des réunions dans leur propre pays.

D’autre part, nous trouvons crucial de souligner que le processus s’est radicalement écarté de la proposition initiale du MSC au CSA qui était d’élaborer un processus politique sur l’agroécologie, et a abouti à des recommandations politiques qui combinent l’agroécologie avec des approches diamétralement opposées, en ignorant complètement le cadre d’évaluation politique fourni par le Rapport 14 du Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE) en 2019 « Approches agroécologiques et autres approches innovantes pour une agriculture et des systèmes alimentaires durables qui améliorent la sécurité alimentaire et la nutrition ».

L’idée que nous pouvons simplement choisir entre des approches opposées et conflictuelles et nous contenter d’innovations dites incrémentales – en l’absence d’un engagement et d’un plan concrets et clairs pour aller plus loin vers des approches transformatrices – ne tient pas compte du “coût d’opportunité” d’une telle démarche, c’est-à-dire qu’il y aura beaucoup moins de financement et moins de ressources disponibles en fin de compte pour les innovations transformatrices qui sont désespérément nécessaires. Cela augmente non seulement le risque qu’un processus de transition s’arrête au niveau minimal de l’atténuation des pires préjudices et ne progresse pas davantage, mais, plus dangereusement encore, cela nous plonge dans des approches problématiques qui sapent activement la pratique de l’agroécologie et la nécessaire transformation agroécologique.

En ce qui concerne le contenu des Recommandations, nous saluons le fait que, grâce à l’engagement continu de certains États membres, du MSC ainsi que d’autres participants, certains passages du préambule et certaines des recommandations ont été modifiés : ont été soulignés certains éléments importants et critiques de l’agroécologie, tels que reflétés dans les dix éléments de la FAO et dans le rapport du HLPE; a été incluse, bien qu’avec des réserves, une formulation sur le respect et la protection des Droits humains, des Droits des femmes, des Droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales ainsi que les Droits des peuples autochtones; la reconnaissance de la nécessité de réduire la pression sur les ressources naturelles; l’encouragement la participation et l’inclusion des personnes en situation vulnérable; et la promotion de l’adaptation à différents contextes.

En outre, il y a quelques éléments utiles tels que : la nécessité de sensibiliser les décideurs au risque des pesticides; de promouvoir une plus grande intégration de la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture; et de soutenir la recherche participative.

Cependant, en considérant le Document adopté dans son ensemble, nous déplorons le fait que ce Document : i. ne place pas la protection et la réalisation des Droits humains au centre de son action; ii. n’attribue pas un rôle central à l’agroécologie et ne reconnaît pas de manière adéquate son potentiel de transformation, tout en la mettant sur un pied d’égalité avec les autres systèmes non durables, sans reconnaître, par ailleurs, les déséquilibres existants dans les soutiens apportés à ces derniers par rapport aux soutien apporté aux approches agroécologiques; iii. ne reconnaît pas les impacts sociaux, économiques et environnementaux du système agroalimentaire industriel dominant; iv. ne reconnaît pas les déséquilibres de pouvoir dans les systèmes alimentaires; v. ne reconnaît pas les savoirs ancestraux et traditionnels des peuples et communautés autochtones et paysans; vi. inclut des recommandations contradictoires par rapport à l’agroécologie, comme par exemple l’utilisation d’agrotoxines.

En outre, bon nombre des passages « non négatifs » du Document sont une réponse à nos efforts considérables pour limiter les dégâts. Les recommandations qui en résultent, sans être un pas en arrière, ne constituent pas non plus un pas en avant. En ce moment crucial tant pour l’humanité que pour la planète, le CSA ne peut se permettre de rester les bras croisés et de renoncer à fournir aux États membres des orientations claires et significatives sur la manière de faire avancer les changements transformateurs qui s’imposent de toute urgence. Cette “occasion manquée” est inacceptable et même meurtrière.

Les raisons qui motivent ces points sont exposées ci-dessous.

Le Document ne place pas la protection et la réalisation des Droits humains au centre de son action.

Le Document adopté ne reconnaît pas la centralité que la protection et la réalisation des Droits humains doivent avoir dans toute transition vers des systèmes alimentaires durables. En ce sens, il ne fait pas dûment référence aux Droits humains – les droits des femmes, des paysans, des peuples autochtones et des travailleurs. Le CSA a été réformé avec le mandat de parvenir à la réalisation progressive du Droit à l’alimentation et il est absolument inacceptable pour le MSC que le CSA ne prenne pas en compte l’interconnexion entre le Droit à l’alimentation et les Droits des femmes et de ceux qui produisent la majeure partie de la nourriture dans le monde.

La résistance de certains acteurs à l’inclusion des Droits des femmes – y compris la Recommandation générale 34 de la CEDAW sur les droits des femmes rurales – dans ces recommandations politiques était évidente. Nous trouvons alarmant de devoir encore – en 2021 – continuer à exiger que ces droits soient inclus dans un Document de l’ONU. Le fait qu’ils ne soient mentionnés que dans le préambule, leur fait clairement perdre leur force normative. Et il ne figurent même pas dans les Recommandations elles-mêmes.

L’agroécologie et la transformation des systèmes alimentaires ne peuvent être soutenues sans reconnaître le rôle des femmes dans la sauvegarde et la transmission des connaissances ancestrales sur les semences, la production alimentaire et les pratiques organisationnelles.

Le Document adopté n’intègre pas non plus de manière adéquate les droits déjà reconnus dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). Ce Document, adopté par l’Assemblée générale, établit une base juridique solide pour la reconnaissance et le respect des droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales, s’agissant des personnes les plus vulnérables face à des systèmes de production qui mettent en danger à la fois la vie des collectifs paysans dans leur grande diversité et la durabilité environnementale.

En outre, un alignement des recommandations sur celles de l’UNDROP contribuerait à la réalisation des objectifs de la Déclaration, qui propose l’agroécologie comme réponse aux problèmes de la faim et de la durabilité environnementale.

Les droits reconnus dans les déclarations et conventions universelles, telles que l’UNDRIP, l’UNDROP et la CEDAW, adoptées par le système des Nations unies devraient imprégner le travail de ses agences. Le CSA ne peut manquer de les intégrer de manière adéquate dans ses recommandations politiques, car elles codifient les droits de ceux qui contribuent le plus à la production alimentaire de manière écologiquement durable et qui sont les plus touchés par l’absence de politiques adéquates.

Le CSA devrait être l’espace où l’on met en valeur et on fait la promotion de  ces droits et où l’on les intègre dans tous les résultats politiques du CSA. Le fait que cela ne se produise pas est très inquiétant pour le présent et l’avenir du CSA.

Le Document n’attribue pas un rôle central à l’agroécologie et ne reconnaît pas de manière adéquate son potentiel de transformation, tout en la mettant sur un pied d’égalité avec les autres systèmes non durables, sans reconnaître, par ailleurs, les déséquilibres existants dans les soutiens apportés à ces derniers par rapport aux soutien apporté aux approches agroécologiques.

L’objectif principal de ces recommandations politiques aurait dû être de soutenir l’agroécologie. Au contraire, elle la réduit à une coexistence forcée avec d’autres approches non durables.

Les recommandations devraient différencier l’agroécologie des approches non durables et promouvoir l’agroécologie comme étant la solution holistique privilégiée pour une transition vers des systèmes alimentaires justes et durables, conformément aux analyses et conclusions du rapport du HLPE et aux données probantes solides issues des territoires et de la littérature faisant autorité.

À cette fin, les recommandations devraient reconnaître que l’agroécologie ne fonctionne pas sur un pied d’égalité et que la part de soutien à tout effort d’agriculture durable est minuscule par rapport au niveaux incroyables de subventions accordés à l’agriculture industrielle.

A leur tour, les recommandations devraient encourager un meilleur accès au marché pour les produits agroécologiques et un soutien fort au développement des circuits courts qui soutiennent les moyens de subsistance des petits producteurs et des travailleurs de l’agroalimentaire, tout en garantissant l’accès des populations à une alimentation saine. Dans un contexte de pandémie où les marchés locaux ont assuré la sécurité alimentaire de millions de personnes, nous ne pouvons accepter qu’ils soient ignorés en tant qu’alternative centrale pour une réelle transformation des systèmes alimentaires. 

En outre, et bien que l’inclusion de passages faisant référence à la numérisation ait été bien contrôlée, le Document adopté non seulement ne fournit pas une élaboration conceptuelle claire sur la signification de la numérisation, mais ne prend pas non plus en compte les questions d’accès, de contrôle et de gouvernance impliquées, en particulier dans le cas de l’utilisation du Big Data. Ces préoccupations ont également été soulignées dans le rapport HLPE.

La promotion de la numérisation dans un tel Document aurait nécessité une discussion sérieuse et approfondie des économies politiques associées à la question de savoir qui possède et contrôle les technologies numériques, afin de s’assurer que leur application découle des besoins réels des petits producteurs alimentaires et qu’elle est donc spécifique au contexte et/ou adaptée localement.

Les petits producteurs et leurs organisations doivent disposer de l’autonomie nécessaire pour déterminer les types d’innovation qui répondent à leurs besoins et à leurs attentes et doivent être considérés comme les principaux représentant.es et chargés de la mise en œuvre des innovations qui favorisent la transition vers des systèmes agroalimentaires équitables et durables.

Le Document ne reconnaît pas les impacts sociaux, économiques et environnementaux du système agroalimentaire industriel dominant.

Le Document adopté échoue lamentablement à aborder les impacts du système agroalimentaire industriel dominant actuel, qui est largement responsable des crises de la faim, de l’environnement, de la biodiversité, de l’eau et des terres.

Il omet d’utiliser le cadre fourni par le rapport HLPE pour évaluer les différents systèmes de production tout comme il oublie de faire référence au concept « d’empreinte écologique » des différents systèmes, alors que cette approche est essentielle pour pouvoir évaluer correctement les impacts des différents systèmes et construire des transitions durables. Le concept d’externalités est rapidement évacué, associée au concept de compromis (Trade-offs), lorsqu’il s’agit d’accepter des impacts négatifs afin de préserver les bénéfices et les intérêts privés, et ce sans le moindre mécanisme de redevabilité ou de reddition des comptes.

Le rôle central des organisations de petits producteurs dans l’aménagement du territoire n’est pas non plus reconnu.

Le Document ne reconnaît pas les déséquilibres de pouvoir dans les systèmes alimentaires actuels.

L’un des principaux problèmes du système alimentaire actuel est la concentration du pouvoir entre les mains de quelques entreprises et leur influence tant sur l’élaboration que sur la mise en œuvre des politiques publiques et des décisions des consommateurs. Un Document de recommandations politiques fondé sur une approche agroécologique devrait au moins reconnaître les déséquilibres de pouvoir et les différences flagrantes dans les subventions accordées à  l’agrobusiness par rapport aux maigres soutiens reçus par les millions de producteurs d’aliments agroécologiques, des déséquilibres qui se traduisent par un manque de politiques publiques, y compris de soutiens financier et d’infrastructures permettant de promouvoir et mettre en œuvre l’agroécologie, par opposition à l’énorme masse des incitations et des subventions qui vont en faveur des pratiques agro-industrielles non durables.

Le Document reflète de manière inadéquate la diversité des motivations et des voies d’accès possibles pour les jeunes qui cherchent à s’engager et à trouver un emploi dans les transitions agroécologiques.
Comme indiqué ci-dessus, le Document adopté contient plusieurs points problématiques en ce qui concerne la numérisation, notamment une recommandation sur l’utilisation des technologies numériques comme point d’entrée pour l’engagement des jeunes dans les systèmes agroalimentaires. La recommandation qui en résulte dénature le problème, car elle ne reconnaît pas les diverses raisons sociales, économiques et environnementales pour lesquelles les jeunes sont contraints de quitter la campagne et de s’éloigner de l’agriculture. Les transitions agroécologiques holistiques nécessitent une redistribution radicale des richesses, du pouvoir et des ressources dans les systèmes agroalimentaires et dans la société en général. Les transformations des systèmes alimentaires nécessitent, avant tout, la réalisation et la protection des droits humains, en particulier les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales. La réforme foncière et la paix sociale sont deux des facteurs les plus importants pour que les jeunes puissent participer et continuer à participer à l’agriculture avec autonomie et dignité. Le MSC rejette la promotion qui est faite de prétendues solutions technologiques en lieu et place d’initiatives pour résoudre réellement les problèmes sous-jacents d’inégalité, de pauvreté, de marginalisation et d’oppression qui empêchent les jeunes de pratiquer l’agroécologie et de construire la souveraineté alimentaire.


Le Document n’identifie pas et ne fournit pas d’orientation sur l’élimination de la marginalisation sociale, politique et économique, en particulier celle qui touche les femmes, les jeunes et les peuples autochtones.

Les Recommandations politiques ne reconnaissent pas le concept de marginalisation comme un problème à résoudre, en raison de la résistance de certains États membres qui ont insisté pour utiliser l’expression plutôt l’expression “personnes en situation de vulnérabilité”. La transformation des systèmes agroalimentaires exige des solutions structurelles pour combattre les formes systémiques et aiguës d’oppression sociale et d’exploitation économique. Les acteurs sociaux les plus puissants maintiennent leur domination en excluant, discréditant, dépossédant, cooptant et criminalisant activement les opposants et critiques organisés au sein de la société civile et des mouvements sociaux en particulier. Se contenter de faire référence aux personnes qui vivent en “situations de vulnérabilité” permet de ne pas nommer les causes profondes de la vulnérabilité et du risque, en particulier les inégalités économiques, l’oppression sexuelle et de genre, et l’expansion du contrôle des entreprises sur les systèmes agroalimentaires.

Le Document ne reconnaît pas les savoirs ancestraux et traditionnels des peuples et communautés autochtones et paysans.

L’agroécologie se construit à partir des savoirs ancestraux des peuples et des communautés autochtones et paysannes, dans un processus de co-création de connaissances participatives auquel d’autres acteurs, y compris les institutions publiques et de recherche, se sont agrégés au cours de l’histoire. Les Recommandations ne soulignent pas suffisamment l’importance de ces savoirs et ne reconnaissent pas leur rôle central. Au lieu de cela, ils placent ceux qui promeuvent l’agroécologie dans une position défensive face aux promoteurs d’un paradigme de connaissances scientifiques et académiques excluant tout ce qui n’apparaît pas comme étant fonctionnel pour les intérêts des entreprises.

Le Document inclut des recommandations contradictoires par rapport à l’agroécologie, comme par exemple l’utilisation d’agrotoxines.

L’agroécologie permet de sortir de la dépendance aux intrants extérieurs. Le fait que ces recommandations encouragent l’optimisation de l’utilisation des pesticides et des risques qu’ils présentent sape non seulement nos objectifs et nos efforts pour défendre la santé, les moyens de subsistance et les préoccupations en matière de survie des paysans et des agriculteurs familiaux, des peuples autochtones, des travailleurs agricoles et des autres petits producteurs de denrées alimentaires qui pratiquent l’agroécologie depuis des siècles, mais contredit également les accords, les cadres politiques et les directives convenues des Nations unies en matière de gestion des pesticides et des produits chimiques.

Ces directives sur les pesticides, adoptées au niveau international, donnent clairement la priorité, avant tout, à la réduction de la dépendance aux pesticides[2]. Aucun Document des Nations unies ou adopté au niveau international, ni le rapport du HLPE lui-même, n’identifie l’optimisation des pesticides comme une approche souhaitable ou appropriée. Le Document adopté va à l’encontre des accords internationaux établis, reflétant la domination et la forte influence du seul gouvernement qui a insisté sur ce Document lors d’une session spéciale bizarrement abrégée, qui a également exclu l’examen des propositions de formulations alternatives présentées par d’autres États membres et le MSC.

La notion même de « Optimiser l’utilisation et le risque des pesticides » est totalement inacceptable pour le MSC.

En outre, le Document adopté ne reconnaît pas les droits des paysan.es et des peuples autochtones (UNDROP et UNDRIP) à ne pas utiliser ou être exposés aux pesticides. Cela est également inacceptable, car cela fait peser la charge de « éviter l’exposition et l’empoisonnement » entièrement sur les personnes et les communautés elles-mêmes.

Les autres paragraphes relatifs aux produits agrochimiques (3h et 4e) sont acceptables, mais en même temps, ils n’ajoutent rien de nouveau ou ne s’appuient pas de manière significative sur les accords et les Documents d’orientation déjà existants. La légère reformulation de ce qui existe déjà ailleurs ne compense pas le grave préjudice mentionné ci-dessus.

À sa manière, ce contenu bloque les aspirations soulevées par plusieurs États membres pour effectuer une transition complète vers l’agroécologie, loin des dépendances chimiques nocives qui interfèrent avec le Droit humains à bénéficier d’un environnement sain et d’écosystèmes sains.

POSITIONNEMENT DU MSC

A travers ce Document, le MSC partage sa position finale sur les recommandations politiques sur les approches agroécologiques et autres approches innovantes du CSA.

Ce positionnement a été décidé collectivement, à travers un processus inclusif et transparent avec tous les secteurs sociaux du MSC, en accordant un délai suffisant pour garantir la participation de tous les secteurs et territoires.

Cette position fait également suite à notre analyse des Directives volontaires sur les systèmes alimentaires et la nutrition et réitère notre appel plus large lancé au CSA pour que ce dernier prenne conscience de la tendance persistante à éviter de mentionner les responsabilités des acteurs qui participent clairement aux négociations afin de défendre leurs intérêts économiques et renforcer encore l’accaparement par les entreprises des espaces de conceptualisation et de gouvernance des systèmes agroalimentaires.

Le MSC réaffirme son engagement envers le mandat et les principes du CSA, qui devrait jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration d’une analyse critique et de recommandations politiques permettant de réaliser le Droit à l’alimentation en promouvant et en encourageant les transitions vers des systèmes agroalimentaires justes et durables.

Toutefois, le MSC ne soutient pas l’adoption du Document de recommandations politiques sur les approches agroécologiques et autres approches innovantes, adopté par les États membres lors de la 48e session du CSA. Cette adoption s’éloigne de notre vision d’inclure l’agroécologie dans le PTPA du CSA et reflète le fait qu’au cours de la période à venir, des efforts importants seront nécessaires pour redonner à nouveau une ambition au sein du CSA.

Le Document approuvé sape dans son ensemble les accords internationaux clés, met en péril le travail et les moyens de subsistance de nos peuples et est préjudiciable aux efforts entrepris de longue date par nos organisations et mouvements dans la promotion et la construction de l’agroécologie en tant que voie holistique de transition afin de parvenir à des systèmes alimentaires basés sur la justice sociale, économique, environnementale, de genre et intergénérationnelle.  Bien qu’elles contiennent certains éléments utiles – par exemple, des références aux « 10 éléments de l’agroécologie » de la FAO et aux « 13 principes de l’agroécologie » du HLPE – les Recommandations ne soulignent pas l’urgence d’une transformation des systèmes alimentaires fondée sur les droits humains, en particulier face à l’aggravation des impacts du changement climatique, à la pandémie actuelle de COVID-19 et aux nombreuses crises prolongées dans le monde causées par les conflits armés, l’accaparement des terres et autres litiges fonciers. En outre, le Document adopté sape les principaux accords internationaux en matière de droits de l’homme, tels que l’UNDROP, et constitue donc une autre menace sérieuse pour les vies et les moyens de subsistance des membres du MSC qui luttent pour survivre et atteindre des économies de bien-être.

Chaque fois qu’il sera demandé au MSC de travailler sur ce résultat politique du CSA – par exemple, au cours des Axes de travail actuels et futurs – nous exprimerons nos graves réserves et préoccupations non seulement vis-à-vis du contenu, mais aussi vis-à-vis des conditions et des inégalités dans lesquelles ces Recommandations ont été élaborées. Même si certains aspects des Recommandations peuvent s’avérer utiles dans certains contextes, le MSC ne considère pas le Document adopté comme étant un “langage convenu” dans son intégralité, et nous appliquerons le raisonnement critique à l’origine de cette déclaration au cours des processus politiques en cours et futurs du CSA. 

Dès le début de ce processus, le MSC s’est employé à faire en sorte que les résultats obtenus dans le cadre du CSA réformé soient ambitieux et répondent à l’urgence croissante de la transformation des systèmes alimentaires.

Notre insatisfaction à l’égard des derniers résultats des négociations n’est pas une expression de résignation, mais vise à faire comprendre la nécessité de réorienter l’ambition vers des orientations politiques qui répondent véritablement aux multiples crises auxquelles la planète et l’humanité sont confrontées.

Nous rappelons aux États leur responsabilité en tant que porteurs de devoirs, de respecter, protéger et réaliser les Droits humains de toutes les personnes. Nous demandons instamment au CSA d’assurer le suivi de l’impact de ces Recommandations  et qu’il évalue de manière continue son impact sur l’avancement de la transformation nécessaire des systèmes alimentaires.

Nous demandons au CSA, aux entités participantes et à tous les États membres de renouveler leur engagement en faveur d’un processus axé sur les voix, les préoccupations et le bien-être des petits producteurs alimentaires, des travailleurs de l’agroalimentaire, des femmes, des jeunes et des communautés autochtones qui seront le plus directement impactés par les résultats de ces politiques, plutôt que de s’en remettre aux intérêts et aux priorités de quelques gouvernements dominants et sociétés multinationales.

Grâce à notre participation active et à notre travail de plaidoyer, nous continuerons à protéger et à défendre le CSA qui a été réformé avec succès il y a 12 ans et dont le mandat principal est d’éradiquer la faim dans le monde.  Nous exigerons du CSA qu’il rende des comptes aux communautés dans les territoires.


[1] Le MSC est composé de 11 secteurs : petits exploitants agricoles, éleveurs-pasteurs, pêcheurs artisanaux, populations autochtones, travailleurs agricoles et dans l’industrie alimentaire, personnes sans terre, femmes, jeunes, consommateurs, populations précaires urbaines en situation d’insécurité alimentaire et organisations non gouvernementales.

[2] Par exemple, les Directives de la FAO pour l’élaboration de politiques de lutte contre les ravageurs et les pesticides, élaborées et approuvées lors de la réunion conjointe FAO/OMS sur la gestion des pesticides, font six fois référence à la réduction de la dépendance ; les Directives de la FAO sur les pesticides extrêmement dangereux font deux fois référence à la réduction de la dépendance ; et le Code de conduite international sur la gestion des pesticides fait également référence à la réduction de la dépendance. La réduction de la dépendance est également conforme aux ODD #2, #3 et #12.

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