Observations préliminaires du MSC sur l’avant-projet du Rapport traitant du « Développement agricole durable propice à la sécurité alimentaire et à la nutrition, y compris le rôle de l’élevage »

Octobre 2015

 

Ce document rassemble les observations préliminaires du MSC sur l’avant-projet du rapport du HLPE. Compte tenu du court délai accordé pour la soumission de commentaires, des limitations imposées par la langue employée (le texte est uniquement en anglais) et du temps nécessaire pour mener des consultations de manière adéquate au sein des mouvements sociaux, y compris au sein des alliances des peuples nomades, des paysans, des femmes travaillant dans l’agriculture, des peuples autochtones, des paysans sans terre, des migrants, des travailleurs agricoles et des organisations représentant les travailleurs de la chaîne de transformation de la viande, ce document ne propose pour l’instant que des observations brèves et concises, qui seront suivies par des commentaires plus détaillés, ultérieurement, en novembre.

  1. Commentaires généraux

Tout en reconnaissant le travail important qui a été réalisé pour la préparation de l’avant-projet, le MSC est profondément préoccupé par le parti pris qui sous-tend la version actuelle du texte et est fermement convaincu que le prochain avant-projet nécessitera une réorientation significative s’il veut être conforme au mandat du HLPE :

  1. L’absence d’ancrage dans le contexte du mandat du CSA et du cadre des Droits humains : Malgré son titre, le rapport ne parvient pas à adéquatement positionner l’agriculture durable, y compris l’élevage, dans le cadre du mandat du CSA. Premièrement, le rapport semble être beaucoup plus orienté en faveur d’un développement conventionnel et autocentré du secteur plutôt qu’animé par un désir sincère d’explorer les méthodes pour qu’un tel développement puisse devenir un pilier essentiel de la sécurité alimentaire et la nutrition (FSN).Deuxièmement, quand on se réfère à la FSN, celle ci est considérée comme un besoin qui doit être satisfait par le marché et non comme un Droit fondamental. De fait, nulle part dans le document, est-il fait mention du Droit à une alimentation adéquate et à la nutrition, ni d’autres Droits humains, alors que ces Droits forment l’un des piliers centraux du Cadre stratégique mondial (GSF) du CSA. Troisièmement, les petits exploitants, un autre pilier central du CSA et de son GSF, sont présentés comme étant une catégorie marginale et improductive de l’agriculture. Enfin, tant l’absence de référence aux Droits que la non prise en compte du rôle central joué par les petits exploitants contribuent à une profonde méconnaissance du concept de souveraineté alimentaire, qui est simplement présenté comme une question théorique et relégué dans un encadré;
  2. Un récit erroné du « grand défi » de nourrir la planète et une focalisation sur les écarts de rendement : Le rapport reprend le récit quelque peu théâtral du besoin de nourrir une population mondiale en pleine explosion démographique et construit le mythe d’une demande alimentaire de plus en plus urgente, pouvant uniquement être résolue par une révolution « dans la productivité ». Un tel récit est faux et trompeur. La réalité est qu’il n’y a pas de pénurie alimentaire, surtout si l’on tient compte du fait que, à l’échelle mondiale, les pertes et gaspillages alimentaires représentent environ un tiers de la production alimentaire destinée à la consommation humaine, des gaspillages et pertes qui sont en grande partie générées par le modèle de production agro-industrielle. Les exploitations familiales, en particulier les petits agriculteurs et les producteurs d’aliments à petite échelle, fournissent 70 % de l’alimentation de la population mondiale et sont les principaux investisseurs dans l’agriculture. Le défi de nourrir une population mondiale croissante doit donc se baser en premier lieu sur la centralité des petits exploitants, comme l’a reconnu le Cadre stratégique du CSA (GSF) au lieu de faussement les présenter comme étant une catégorie marginale et improductive. De plus, malgré le fait qu’il référence trois différentes typologies de pays, trois différentes trajectoires de développement agricole et quatre « systèmes » différents d’élevage, ces catégories ne sont ensuite pas véritablement prises en compte dans le rapport, étant donné que l’accent primordial du cadre est mis sur « les écarts de rendement » afin de répondre aux prévisions de la FAO concernant une hausse de la demande de viande d’ici à 2050;
  3. Le fait de considérer l’impact du secteur de l’élevage de manière globale masque les différences fondamentales dans l’impact écologique des différents modèles de production, sans jamais faire référence à l’agroécologie : Bien qu’il introduise certaines classifications, le cadre conceptuel du rapport considère le secteur de l’élevage comme étant une entité monolithique et décrit son impact de manière globale en termes d’utilisation non durable des ressources naturelles, de risques sanitaires et de préoccupations sociales. Encore une fois, il s’agit d’une thèse fausse et trompeuse. Toutes ces conséquences négatives sont directement imputables à un mode de production industriel et intensif et ne concernent que marginalement les systèmes d’élevage des communautés pastorales, agro-pastorales ou encore les systèmes d’exploitation mixtes cultures-élevage des petits exploitants. Le fait de structurer l’analyse du secteur à travers une vision globale de son impact ne permet pas de saisir les tendances diamétralement opposées qui existent au sein du secteur et leurs implications respectives.       De fait, un grand nombre de petits éleveurs et de communautés pastorales, soumis à la pression des politiques économiques mondiales et nationales pour qu’ils intensifient leur production (élevage de races croisées et de variétés à haut rendement en remplacement des races autochtones locales, utilisation d’aliments concentrés, stabulation des animaux en lieu et place du pâturage, etc.), s’engagent aujourd’hui dans des démarches concertées en vue de désintensifier leurs méthodes d’élevage et de revenir à des pratiques d’élevage agroécologiques. Cela signifie revenir à des races animales indigènes et autochtones, plus adaptées à l’écologie locale mais aussi abandonner des systèmes « spécialisés » de mono-production d’espèces commerciales, pour revenir à un système d’élevage diversifié et multifonctions (engrais, lait, viande, force de trait, etc.) ou encore modifier les régimes alimentaires à base d’aliments concentrés intensifs pour revenir à une alimentation à base de fourrage local et de déchets de récolte.
    Ou encore le fait d’opter pour des circuits de commercialisation courts, vendant aux marchés locaux plutôt que via des circuits éloignés. Ces stratégies permettent également de répondre aux défis du changement climatique (les races indigènes locales sont plus résistantes et mieux adaptées, nécessitent des quantités réduites de fourrage et d’eau ainsi que moins de soins et sont plus résistantes aux maladies) mais aussi s’adapter à la raréfaction des ressources naturelles. Elles permettent également de mieux résister sur le plan économique et de se protéger contre l’instabilité des politiques et régimes commerciales au niveau mondial, qui faussent les prix sur les marchés nationaux. Cette réalité, vécue quotidiennement par les populations, est en totale contradiction et remet en cause les prévisions et les modèles qui considèrent que l’intensification de la production et l’intégration dans des chaînes de valeur plus larges est le moyen le plus efficace pour lutter contre le changement climatique et répondre à l’augmentation des demandes de la production ;
  4. Le prétexte de la complémentarité et de la cohabitation des modèles de production et le passage sous silence de la nature prédatrice du système agro-industriel: Quand il présente les différentes classifications en termes de modèles de production, tant au sein de l’agriculture que de l’élevage, le rapport les décrit comme étant complémentaires les uns par rapport aux autres. Or la réalité est fondamentalement différente. La description inoffensive des différents modèles de production permet de masquer la nature prédatrice du système agro-industriel et passe sous silence les preuves factuelles qui démontrent que, au nom de ce récit mythique du « Nourrir la planète », les modèles « d’intensification et de spécialisation » dont on fait la promotion ont engendré l’abandon des fermes et des élevages ainsi que l’exode rural de millions de paysans, d’éleveurs et de communautés autochtones, la disparition de centaines de races animales (une par mois depuis 2000-2006, comme l’a signalé la FAO[i]. De plus, ces modèles ont permis de créer les conditions juridiques favorables pour la poursuite de l’accaparement des ressources en terres et en eau au détriment des communautés légitimes. Il n’est fait aucune mention, dans le rapport, des déplacements forcés, souvent sous la violence, dont sont victimes les communautés ainsi que l’appropriation de leurs terres par les industriels de l’élevage et de l’alimentation, entraînant la disparition de moyens de subsistance plus durables. Ce processus entraîne souvent des violations flagrantes des Droits humains, des blessures corporelles, des maladies, l’augmentation de la pauvreté et la perte des actifs, la destruction des modes de vie, et même la mort des personnes, comme cela a été largement documenté dans de nombreux pays. En conséquence, l’expansion continue du complexe agro-industriel sape l’existence même des petits exploitants et leur capacité à maintenir leurs fonctions productives, territoriales, sociales et politiques. Ce système est lui-même à l’origine du problème qu’il prétend traiter. En outre, l’angle adopté par le rapport échoue totalement quand il s’agit de documenter le renforcement croissant des oligopoles et la concentration extrême du marché des intrants ou encore l’accélération incontestée, à l’échelle mondiale, de l’emprise hégémonique du complexe agroindustriel dans le domaine de l’élevage (tant dans l’industrie de la viande que dans l’industrie laitière ou encore l’alimentation animale). Cette hégémonie continue à donner un énorme pouvoir d’achat tant aux industries transformatrices de viande qu’aux entreprises de la grande distribution. Ce sont ces deux industries qui sont à l’origine de la majorité des externalités mentionnées dans le rapport, comme par exemple la pollution de l’environnement, la perte de biodiversité, les problèmes de santé mondiaux, la détérioration des conditions de travail, le bien-être des animaux, pour n’en citer que quelques-unes. Malgré cela, le « pouvoir de négociation dans la définition des prix » n’est mentionné pour la première – et unique – fois que à la page 81, dans la conclusion du rapport ;
  5. Une approche productiviste et la marchandisation du vivant: En faisant la promotion d’une approche « productiviste » de l’agriculture et de l’élevage, le Rapport encourage par ailleurs une conception agressive de la marchandisation du vivant – le corps humain, la terre, l’eau, les semences et les ressources génétiques, entre autres. Cette conception est au cœur du modèle agro-industriel. Nous rejetons cette notion et réaffirmons notre compréhension holistique des relations que nous entretenons avec les dimensions écologiques, culturelles, sociales et politiques de nos modes de productions ainsi qu’avec nos marchés locaux. Dans ce contexte, l’alimentation est l’expression de valeurs, de cultures, de relations sociales et d’autodétermination des peuples. Nos systèmes alimentaires sont l’expression de nos identités culturelles et de notre dignité humaine, de notre propriété sur notre parcours de vie ainsi que de notre souveraineté. Par ailleurs, l’approche « productiviste » de l’actuel avant-projet du Rapport du HLPE rend invisibles les autres rôles et fonctions de l’élevage dans l’agriculture non industrielle, comme par exemple le fait d’être un facteur d’identité et de statut social, de fournir une protection sociale, une assurance et de la compagnie, entre autres. Ces fonctions ne sont pas nécessairement un « sous-produit » de l’élevage des animaux pour la seule fourniture de nourriture. Souvent, le contraire est vrai, par exemple dans les cas où le bétail fournit également une force de trait ou bien un moyen de transport. Des centaines de millions de personnes dépendent de cette force animale pour labourer et moissonner leurs terres, transporter la nourriture et l’eau ainsi qu’apporter leurs produits aux marchés. Dans ce contexte, le renforcement de la protection de la santé et du bien-être animal – par exemple à travers un meilleur accès à des services vétérinaires – est quelque chose de mutuellement bénéfique ;
  6. Le rapport présente une analyse très simpliste de la malnutrition: Les causes profondes et les facteurs qui mènent à la malnutrition sous toutes ses formes sont nombreuses, complexes et multidimensionnelles et ne peuvent être séparées de leurs déterminants sociaux, politiques et économiques pris dans une dimension plus large. Même si le rapport mentionne le fait que « la plupart des personnes ont faim parce qu’elles ne peuvent pas acheter de la nourriture et non pas parce qu’il n’y a pas assez de nourriture disponible dans le monde », cette déclaration est totalement marginale par rapport à l’exposé principal du Rapport. En effet, aucune analyse n’est faite des éléments moteurs qui animent les changements dans les habitudes alimentaires. Le rapport considère exclusivement les facteurs secondaires touchant à la demande, par exemple la hausse des revenus et l’urbanisation, comme étant responsables de la croissance de la production et de l’augmentation de la consommation des produits de l’élevage. Une telle analyse limitée conduit les auteurs à considérer l’élevage industriel et son expansion continue comme étant nécessaire, voire inévitable. Les facteurs secondaires d’approvisionnement sont malheureusement sous-estimés en tant qu’agents du changement et en tant que forces qui orientent les changements dans les habitudes alimentaires. Ces facteurs secondaires incluent la commercialisation massive de produits d’origine animale, y compris par la restauration rapide ; les énormes budgets publicitaires investis par les grandes sociétés agro-alimentaires ; les relations souvent étroites entre l’agro-industrie et les gouvernements ; les politiques favorables qui accélèrent l’industrialisation de l’agriculture animale, y compris à travers des subventions, des incitations fiscales, des régimes réglementaires restreints voire inexistants, des accords commerciaux, des passages de marchés publics ou encore la faiblesse voire l’inexistence de mécanismes pour intégrer dans le coût final les énormes externalités de l’élevage industriel et de la production d’alimentation animale, ni même d’initiatives pour récupérer ces coûts. Simultanément, le rapport passe sous silence les nouveaux mouvements de consommateurs qui revendiquent le droit de pouvoir d’opter pour une alimentation saine, abordable et accessible ainsi que de pouvoir recevoir une information transparente ou encore de ne pas être soumis (en particulier les enfants) à des campagnes agressives de commercialisation d’aliments malsains et de boissons qui engendrent une augmentation de l’incidence du diabète, des maladies cardio-vasculaires, de certains types de cancers et d’autres maladies non transmissibles, liées au régime alimentaire ;
  7. Le mythe de la demande en protéines et le silence sur les régimes sains et durables : La demande projetée en protéines animales dans les pays du Sud, sur laquelle se base l’argument défendant la nécessité urgente d’augmenter la production industrielle de lait et de viande, doit être remise en question. Le rapport, au contraire, l’accepte sans équivoque comme un élément fixe de son analyse, sans quasiment mentionner les schémas de consommation de viande et de lait complètement malsains et inopportuns d’un point de vue médical qui caractérise les pays du Nord (comme l’ont souligné de nombreux experts en nutrition et l’OMS, qui a récemment déclaré cancérigène la viande transformée[ii]). L’on constate en effet une négligence totale de la nécessité de réorienter les régimes de la consommation excessive de viande, de lait et d’aliments transformés, riches en sel, en sucres et en graisses, vers des régimes plus sains, diversifiés, durables, adaptés d’un point de vue culturel et basés sur une plus grande consommation de produits frais et de diverses sources de protéines.
  8. Commentaires spécifiques
  • Tendances et facteurs manquants : Tout d’abord, le rapport ne réalise aucun débat de fond concernant la crise à laquelle sont confrontées les communautés de pasteurs, ni aucune analyse politique des facteurs qui affectent de manière négative leurs moyens d’existence et leur production. En effet, le rapport semble ne mener aucun effort pour atteindre les communautés de pasteurs et leurs connaissances, et décrire et caractériser, selon leurs propres critères, les défis auxquels ils sont confrontés. De plus, aucune discussion de fond n’a lieu concernant l’interaction entre le dénommé système « intensif » et le système d’« utilisation mixte » des petits producteurs, comme exposé précédemment. A un endroit du rapport, les auteurs font allusion à l’agriculture contractuelle comme une manière d’intégrer et de relier les petits producteurs pratiquant l’utilisation mixte au système industriel intensif à grande échelle. Cependant, ils n’abordent ni les impacts sociaux de l’agriculture contractuelle dans les pays qui ont recours à cette pratique pour la volaille et le porc depuis des décennies, comme c’est le cas aux États-Unis, ni les enseignements qui peuvent en être tirés pour le futur ;
  • Absence de référence à la concentration et à la formation de conglomérats : Comme indiqué plus haut, les tendances et les facteurs auraient dû clairement illustrer l’importante concentration constatée dans le secteur, avec seulement 10 entreprises dirigeant l’intégralité de la filière viande mondiale et seulement 7 dirigeant le commerce mondial des céréales. Nombre de ces entreprises agissent également comme des opérateurs financiers de dérivés, contribuant ainsi à la volatilité des prix, un point passé sous silence par les auteurs, avec l’effet négatif que cela entraîne sur les petits producteurs. Le pouvoir du système industriel à tirer les prix vers le bas et à créer une demande sur le marché est complètement absent du rapport, bien que l’industrie joue un rôle central dans la prise de décisions concernant le futur du secteur de l’élevage, grâce à l’accès dont elle dispose aux politiciens dans les principaux pays producteurs et consommateurs de viande ;
  • Les défis qui se posent pour parvenir à un développement agricole durable permettant de remplir les objectifs en termes d’alimentation et de nutrition : Ces sections sont complètement inadaptées au moment de présenter les défis sociaux, économiques, environnementaux, de santé et de bien-être animal réels qu’a entraîné l’élevage industriel dans nos communautés (aussi bien pour les producteurs que les consommateurs). Ces sections n’abordent pas non plus les problèmes uniques auxquels sont confrontés les systèmes pastoraux et agropastoraux en lien avec l’industrie et d’autres évolutions. Par exemple :
  1. Beaucoup de choses sont dites sur les « données manquantes » relatives aux impacts sociaux, mais il existe une importante documentation provenant de syndicats et de ceux travaillant auprès des communautés de migrants concernant les conditions de travail dans la filière viande, l’absence de pouvoir de négociation des petits producteurs et la transformation du petit élevage indépendant sous la pression des « économies d’échelle » ;
  2. La durabilité économique est simplifiée en une discussion sur l’efficacité, la libéralisation du commerce et la technologie, y compris la biotechnologie, sans aborder les défaillances massives du marché de l’élevage. Par exemple, seules deux entreprises européennes dominent le marché mondial de la production d’œufs et seules 4 entreprises européennes et américaines dominent le marché de l’élevage des poulets de chair. Une analyse similaire peut être réalisée des modalités selon lesquelles l’industrie pharmaceutique met à disposition des médicaments et des vaccins pour le secteur de l’élevage ;
  3. Le rapport reste silencieux sur la nécessité de stabiliser le cours des céréales fourragères afin de limiter la volatilité du marché des cultures et du bétail, de plus en plus non-durable et destructive causée par le changement climatique, le détournement des terres arables en terres pour la production de biocarburants, la spéculation financière dérégulée sur les marchés des produits agricoles et la demande croissante de viande en Chine ainsi que dans d’autres pays émergents. En empêchant que le cours des céréales fourragères tombe en deçà du coût de production réel, on évite de subventionner de manière indirecte l’élevage industriel, ce qui permet au bétail élevé dans le cadre de rotations de cultures plus durables, dans les campagnes, de concurrencer clairement la production de viande industrielle non durable. La création de rotations de cultures plus durables, incluant l’élevage en pâturages, deviendra de plus en plus impérative en raison de l’instabilité des conditions météorologiques causée par le changement climatique, car l’agriculture recourant à des rotations de cultures diversifiées, y compris les pâturages, est plus résiliente que les monocultures à base de céréales fourragères, en pleine croissance. Il conviendrait donc d’examiner l’établissement de réserves céréalières stratégiques régionales, nationales et mondiales comme l’une des politiques les plus efficaces pour stabiliser directement les prix ;
  4. Nous saluons l’inclusion du bien-être animal dans le rapport, mais la discussion est surtout « instrumentale » et donc pas entièrement représentative. En effet, la violence très concrète du secteur de l’élevage industriel envers les animaux non humains, pour ce qui est des cruelles conditions d’élevage et de vie inacceptables des animaux, n’est pas abordée. S’agissant du bien-être animal, le rapport devrait placer davantage l’accent sur les synergies obtenues dans les systèmes agricoles non-industriels, où le fait de placer les animaux dans les environnements où ils ont évolué, auxquels ils sont adaptés et où ils peuvent satisfaire leurs besoins et natures physiques et psychologiques, entraînera les meilleurs résultats possibles à long terme en termes de productivité, de moyens d’existence, de santé, d’utilisation des ressources et de fonctions écosystémiques. Ces systèmes, basés sur la réciprocité, fonctionnent à partir des comportements naturels des animaux et bénéficient de ces derniers, au lieu d’aller à leur encontre, comme c’est le cas dans l’élevage industriel ;
  5. Le rapport est objectivement incorrect concernant le rôle que joue le système « intensif » de l’élevage industriel au moment de contribuer à la résistance aux antibiotiques, et les systèmes des pays développés ne sont pas du tout suffisants pour faire face à ce défi. Les auteurs devraient procéder à une révision correcte de la littérature, y compris du plan Plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens, récemment approuvé par l’Organisation mondiale de la santé (mai 2015) ;
  6. Les auteurs font complètement abstraction du rôle des produits agrotoxiques, qui ont des effets dévastateurs dans les communautés rurales où sont cultivés du maïs et du soja génétiquement modifié. Il existe un vaste ensemble de preuves en provenant des États-Unis, du Brésil, d’Argentine, du Paraguay, entre autres, qui montrent les effets dévastateurs de la filière sur la santé publique ;
  7. Enfin, il est très problématique que le « commerce » soit proposé comme une solution à l’insécurité alimentaire pour les pays en développement, afin de répondre à leur demande de « viande ». Le marché mondial de la viande est extrêmement réduit, peut-être même plus réduit que celui du riz, et il est naïf de supposer qu’un recours au commerce mondial répondrait aux besoins de sécurité alimentaire en termes de protéines animales, compte tenu de l’expérience de la crise alimentaire. Le fait est que les personnes peuvent vivre sans viande et sans produits laitiers et même atteindre la sécurité nutritionnelle et alimentaire si les prix augmentent. Une discussion bien plus approfondie devrait avoir lieu concernant la transition vers des régimes davantage à base de plantes, comme mentionné précédemment.

 

  1. Conclusions concernant les voies, les réponses et les recommandations

Les importantes préoccupations développées dans ces commentaires du MSC exigent un changement fondamental de la thèse globale du rapport et de son cadre conceptuel. Il est évident que les voies, les réponses et les recommandations qui émergent d’une thèse et d’un cadre conceptuels mal construits exigeraient une restructuration complète. À ce stade, nous nous abstiendrons par conséquent de commenter les sections pertinentes. Le MSC reste disponible pour apporter un soutien supplémentaire à l’Équipe spéciale du HLPE pour réorienter le rapport vers ses objectifs recherchés.

[i] ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/010/a1260f/a1260f00.pdf

[ii] http://www.iarc.fr/fr/media-centre/pr/2015/pdfs/pr240_F.pdf

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