Le 18 juillet 2022, le président de l’Assemblée générale de l’ONU et le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) ont organisé conjointement un événement spécial de haut niveau au siège des Nations unies à New York, intitulé “Il est temps d’agir ensemble : Coordonner les réponses en matière de politiques à la crise alimentaire mondiale”. Représentant la Landworkers’ Alliance et le Mécanisme de la société civile et les peuples autochtones (MSCPA), Deirdre Woods a prononcé un discours à lire ou voir ci-dessous.

L’événement a été précédé d’un événement public co-organisé par le MSCPA et IPES-Food, “Au-delà de la guerre en Ukraine : la nouvelle complexité de la crise alimentaire mondiale vue sous l’angle des droits humains“. Au cours de cet événement, un riche panel d’experts, de fonctionnaires gouvernementaux et de représentants de la société civile a exhorté les dirigeants politiques du monde entier à intensifier leurs efforts pour lutter contre la faim et la malnutrition, affirmant que les réponses promues jusqu’à présent par les gouvernements, les agences internationales et les institutions financières, comme la dernière déclaration des agences basées à Rome, des institutions financières internationales et de l’OMC, sont loin d’être suffisantes pour renverser la crise actuelle et prévenir les crises futures.

Discours prononcé par Dee Woods au nom du MSCPA le 18 juillet 2022

Au nom du Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones du CSA, nous tenons à exprimer notre satisfaction à l’égard de cet événement, organisé conjointement par le CSA et le Président de l’Assemblée générale des Nations unies, qui constitue une reconnaissance explicite et un signe de soutien de l’Assemblée générale des Nations unies au rôle important joué par le CSA.

Nous sommes confrontés à la troisième crise des prix alimentaires en 15 ans. L’incapacité à traiter les causes structurelles des crises de 2008 et 2011 signifie que nous sommes une fois de plus confrontés à une situation inacceptable dans laquelle des millions de personnes supplémentaires sont poussées vers la faim. Chaque crise met en évidence non seulement l’incapacité du système alimentaire agro-industriel à répondre aux crises successives, mais aussi le fait que c’est ce même système qui a contribué à les créer. Les pays endettés et dépendants des importations de denrées alimentaires sont particulièrement touchés et se retrouvent sans aucun moyen de s’en sortir.

Les Agences basées à Rome, le G7 et les institutions financières considèrent cependant la crise alimentaire mondiale actuelle presque exclusivement depuis le point de vue du marché et de la production, et en attribuent la cause principale à la perturbation du commerce mondial due à une guerre impliquant deux grands pays agro-exportateurs. Ils ne s’interrogent pas sur les raisons pour lesquelles tant de pays du Sud sont devenus dépendants des importations, ni sur les raisons pour lesquelles nous continuons à être confrontés à des niveaux inacceptables de famine malgré les nombreuses années de production record des années précédentes.

Comme lors des précédentes crises des prix des denrées alimentaires, les gouvernements qui ont le pouvoir économique de mettre en œuvre des réformes structurelles de l’économie mondiale (y compris la limitation du pouvoir des entreprises) n’agissent pas efficacement en vue de la profonde transformation nécessaire, en raison de leur réticence à s’attaquer aux causes profondes d’un système défaillant. Ils abandonnent de fait nos communautés en leur imposant la seule charge de s’adapter aux crises successives.

Les acteurs économiques dominants prennent des mesures partielles et utilisent les espaces politiques qu’ils contrôlent tels que le G7, les institutions de Bretton Woods, l’OMC, pour imposer leurs réponses, augmentant encore les inégalités au sein des pays et entre eux, marginalisant particulièrement les populations et les pays aux espaces politiques nationaux fragiles, et fragmentant les espaces multilatéraux. Leurs réponses sont biaisées parce que :

  • Elles ne sont pas fondées sur une approche des droits humains. Il n’y a pas de participation significative des groupes les plus marginalisés et les plus affectés – par le biais de leurs formations et organisations autonomes – aux processus visant à façonner les réponses.
  • Ils ne proposent aucun changement politique ou normatif pour une vision de transformation profonde des systèmes alimentaires afin de répondre aux crises multiples et entremêlées du présent et de l’avenir. Aucun des changements proposés n’œuvre en faveur de la souveraineté alimentaire, la justice économique et sociale, la justice et la diversité des genres, l’agroécologie, la biodiversité et la justice climatique.
  • Ils n’abordent pas les défis auxquels sont confrontés les peuples autochtones et les éleveurs-pasteurs nomades dont les systèmes alimentaires traditionnels assurent une sécurité alimentaire essentielle à des millions de personnes autochtones et au-delà. Les acteurs et les intérêts dominants des entreprises agissent souvent de manière perturbatrice en ignorant les droits des peuples autochtones.
  • Ils n’abordent pas les défis auxquels sont confrontés les petits producteurs et travailleurs du secteur alimentaire, qui constituent l’épine dorsale des systèmes alimentaires locaux-nationaux et territorialement intégrés et fournissent la plus grande partie des aliments consommés dans le monde.
  • Ils ne prennent pas en compte et ne s’appuient pas sur les résultats politiques pertinents du CSA. Ils ne parviennent pas à tirer les leçons de l’inadéquation des réponses apportées aux précédentes crises mondiales autour des prix des denrées alimentaires et ne font rien pour éviter que ce genre de crise ne se reproduise. Au lieu de cela, elles continuent à renforcer la production alimentaire industrielle à grande échelle et encouragent une stratégie de sécurité alimentaire fondée sur la seule dépendance au commerce mondial, aux engrais synthétiques et aux combustibles fossiles pour produire un petit nombre de cultures céréalières.

Le MSCPA mène actuellement des consultations populaires dans toutes les régions afin de renforcer notre compréhension collective des impacts des crises et d’identifier des propositions de politiques qui soient véritablement transformatrices. Ce propositions viendront enrichir nos contributions aux réponses politiques coordonnées lors de la CSA 50.

Les principales demandes du MSCPA au CSA et au système des Nations Unies sont les suivantes :

Les réponses politiques doivent être ancrées dans une approche globale fondée sur les droits humains, reconnaissant l’action des personnes les plus touchées en tant que détenteurs de droits et la responsabilité des gouvernements en tant que détenteurs de devoirs. De telles réponses sont d’autant plus nécessaires que les impacts de la crise climatique ne cessent d’augmenter.

Par conséquent, la coordination des politiques mondiales doit être mise en œuvre de toute urgence dans le cadre d’un mécanisme de gouvernance multilatéral et inclusif, qui accorde une voix prioritaire aux pays et aux groupes les plus touchés. Ce mécanisme de gouvernance doit agir dans le cadre du Comité des Nations unies pour la sécurité alimentaire mondiale (CSA).

Le CSA a le pouvoir de convergence en tant que principale plateforme inclusive sur la sécurité alimentaire et la nutrition et a reçu le mandat, avec le soutien du HLPE, de coordonner et de renforcer l’action collaborative, de fournir un soutien et des conseils aux pays et aux régions, ainsi que d’assurer le suivie de l’adoption et la mise en œuvre des politiques convenues ainsi que de leurs impacts sur le droit à une alimentation adéquate.

Par conséquent, le MSCPA demande aux membres du CSA d’adopter lors de la CSA 50 une décision visant à donner des orientations pour des réponses structurelles coordonnées à court et à long terme dans le cadre du mandat du CSA.

Nous proposons :

  1. Convenir, dans la « section à évolution constante » du plan de travail pluriannuel, d’assurer le suivi de l’application des décisions du CSA à propos de la volatilité des prix des denrées alimentaires et la protection sociale lors de la 51è session du CSA en octobre 2023. Ces produits politiques du CSA sont particulièrement pertinents dans le contexte actuel.
  2. Utiliser le pouvoir de convergence et le mandat de coordination du CSA pour développer un mécanisme de crise alimentaire inclusif, qui peut être activé pour coordonner et soutenir les membres et les participants afin de surveiller la crise actuelle et de prévenir et traiter les crises futures. Ce mécanisme devrait être initié de la manière suivante :
  • Mettre en place un groupe de travail du CSA sur le suivi de la crise alimentaire, ou bien évaluer en permanence, dans le cadre du format le plus inclusif du CSA, les tendances de la crise alimentaire en s’appuyant sur les données des pays et des groupes les plus touchés,
  • Soutenir et conseiller les pays dépendants des importations alimentaires pour qu’ils transforment leurs systèmes alimentaires en diversifiant leurs économies, en rompant leur dépendance à l’égard des importations alimentaires et des intrants extérieurs et en renforçant leur capacité de résistance aux crises futures
  • Aborder et évaluer l’impact des accords commerciaux et des règles en matière de finance et d’investissement sur la sécurité alimentaire et la nutrition, ainsi que la manière d’aborder les comportements spéculatifs à court et à long terme. Ce débat devra également inclure une évaluation de la manière dont les réserves alimentaires publiques peuvent protéger les pays et leurs populations contre les chocs.

3. Le futur processus de convergence des politiques du CSA sur les inégalités devra faire le point et mieux comprendre la manière dont le modèle économique mondial a un impact sur les systèmes alimentaires, et comment les changements dans les règles mondiales et les arrangements institutionnels qui façonnent le commerce, la fiscalité, la dette, les marchés financiers, les investissements et les finances publiques sont nécessaires pour une transformation profonde des systèmes alimentaires.

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